Modèle d'Einstein

En physique statistique et en physique du solide, le modèle d’Einstein est un modèle permettant de décrire la contribution des vibrations du réseau à la capacité calorifique d’un solide cristallin. Il est basé sur les hypothèses suivantes :

  • chaque atome de la structure est un oscillateur harmonique quantique 3D,
  • les atomes vibrent à la même fréquence, contrairement au modèle de Debye.

Ce modèle est nommé d’après Albert Einstein, qui l'a proposé en 1907[1].

Énergie interne

Les vibrations du réseau cristallin sont quantifiées[2], c’est-à-dire que les énergies de chaque mode normal de vibration ne peuvent prendre que des valeurs discrètes ω E {\displaystyle \hbar \omega _{E}} . Ce modèle repose donc sur la dualité onde-particule des phonons et sur le fait que les 3N oscillateurs harmoniques[3] vibrent à la même fréquence, de manière isotrope.

L’énergie interne U du solide est donnée par la formule :

U = 3 N ω E e β ω E 1 {\displaystyle U={\frac {3N\hbar \omega _{E}}{e^{\beta \hbar \omega _{E}}-1}}}

où ℏ est la constante de Planck réduite, ωE est la pulsation d’un oscillateur, N le nombre d’atomes qui constituent le système et β = 1 k B T {\displaystyle \beta ={\frac {1}{k_{B}T}}} kB est la constante de Boltzmann et T la température absolue.

Démonstration de la formule de l’énergie interne

L’énergie d’un oscillateur harmonique à une dimension vibrant à la fréquence ω E {\displaystyle \hbar \omega _{E}} est donnée par :

E n = ω E ( n + 1 2 ) ( n 0 ) {\displaystyle E_{n}=\hbar \omega _{E}\left(n+{\frac {1}{2}}\right)(n\geq 0)}

n {\displaystyle n} est un nombre quantique

On calcule la fonction de partition d’un oscillateur harmonique quantique qui est donnée par la relation :

Z = j e β E n = j e β ( n + 1 2 ) ω E ( avec  β = 1 k B T ) {\displaystyle Z=\sum _{j}e^{-\beta E_{n}}=\sum _{j}e^{-\beta (n+{\frac {1}{2}})\hbar \omega _{E}}\;\;\left({\text{avec }}\beta ={\frac {1}{k_{B}T}}\right)}

où kB est la constante de Boltzmann, T la température absolue et j est un état de l’oscillateur. Il y a un seul état par niveau d’énergie ; la somme devient donc :

Z = n = 0 e β n ω E β 1 2 ω E = e β ω E 2 n = 0 ( e β ω E ) n {\displaystyle Z=\sum _{n=0}^{\infty }e^{-\beta n\hbar \omega _{E}-\beta {\frac {1}{2}}\hbar \omega _{E}}=e^{-{\frac {\beta \hbar \omega _{E}}{2}}}\sum _{n=0}^{\infty }(e^{-\beta \hbar \omega _{E}})^{n}}

En appliquant la formule de la somme d’une suite géométrique, on simplifie la fonction de partition :

Z = e β ω E 2 1 1 e β ω E {\displaystyle Z=e^{-{\frac {\beta \hbar \omega _{E}}{2}}}\cdot {\frac {1}{1-e^{-\beta \hbar \omega _{E}}}}}

On obtient alors l’énergie d’un oscillateur :

ϵ ¯ = ln Z β {\displaystyle {\bar {\epsilon }}=-{\frac {\partial \ln Z}{\partial \beta }}}

avec ln Z = β ω E 2 ln ( 1 e β ω E ) {\displaystyle \ln Z=-{\frac {\beta \hbar \omega _{E}}{2}}-\ln(1-e^{-\beta \hbar \omega _{E}})} ce qui donne

ϵ ¯ = ω E 2 + ω E e β ω E 1 e β ω E = ω E 2 + ω E e β ω E 1 {\displaystyle {\bar {\epsilon }}={\frac {\hbar \omega _{E}}{2}}+{\frac {\hbar \omega _{E}e^{-\beta \hbar \omega _{E}}}{1-e^{-\beta \hbar \omega _{E}}}}={\frac {\hbar \omega _{E}}{2}}+{\frac {\hbar \omega _{E}}{e^{\beta \hbar \omega _{E}}-1}}}

On remarque au passage que lim T 0 ϵ ¯ = lim β + ϵ ¯ = ω E 2 {\displaystyle \lim _{T\to 0}{\bar {\epsilon }}=\lim _{\beta \to +\infty }{\bar {\epsilon }}={\frac {\hbar \omega _{E}}{2}}} . Cette énergie correspond à l’énergie de point zéro pour ne pas violer le principe d’incertitude d’Heisenberg[4]. On ne tient pas compte de l’énergie de point zéro ce qui donne ϵ ¯ = ω E e β ω E 1 {\displaystyle {\bar {\epsilon }}={\frac {\hbar \omega _{E}}{e^{\beta \hbar \omega _{E}}-1}}} L’énergie interne du système est alors : U = 3 N ϵ ¯ = 3 N ω E e β ω E 1 {\displaystyle U=3N{\bar {\epsilon }}={\frac {3N\hbar \omega _{E}}{e^{\beta \hbar \omega _{E}}-1}}} [5]

 

Capacité calorifique

La capacité calorifique CV est définie par :

c V = ( U T ) V {\displaystyle c_{V}=\left({\frac {\partial U}{\partial T}}\right)_{V}}

avec U = 3 N ϵ ¯ = 3 N ω E e β ω E 1 {\displaystyle \;U=3N{\bar {\epsilon }}={\frac {3N\hbar \omega _{E}}{e^{\beta \hbar \omega _{E}}-1}}\,} , on obtient

c V = 3 N 2 ω E 2 k B T 2 e β ω E ( e β ω E 1 ) 2 = ( β ω E ) 2 3 N k B e β ω E ( e β ω E 1 ) 2 {\displaystyle c_{V}={\frac {3N\hbar ^{2}\omega _{E}^{2}}{k_{B}T^{2}}}\cdot {\frac {e^{\beta \hbar \omega _{E}}}{\left(e^{\beta \hbar \omega _{E}}-1\right)^{2}}}=(\beta \hbar \omega _{E})^{2}\cdot {\frac {3Nk_{B}e^{\beta \hbar \omega _{E}}}{\left(e^{\beta \hbar \omega _{E}}-1\right)^{2}}}}

On peut définir la température d’Einstein comme Θ E = ω E k B {\displaystyle \Theta _{E}={\frac {\hbar \omega _{E}}{k_{B}}}} . Tout cela nous donne c V ( T ) = 3 N k B ( Θ E T ) 2 exp ( Θ E T ) [ exp ( Θ E T ) 1 ] 2 {\displaystyle c_{V}\left(T\right)=3Nk_{B}\cdot \left({\frac {\Theta _{E}}{T}}\right)^{2}\cdot {\frac {\exp \left({\frac {\Theta _{E}}{T}}\right)}{\left[\exp \left({\frac {\Theta _{E}}{T}}\right)-1\right]^{2}}}}

Résultats du modèle

La capacité calorifique obtenue à l’aide du modèle d’Einstein est une fonction de la température. La valeur expérimentale de 3 N k {\displaystyle 3Nk} est retrouvée pour des températures élevées.

Le modèle d’Einstein retrouve la loi de Dulong et Petit, pour les hautes températures :

lim T + c V = 3 N k B {\displaystyle \lim _{T\to +\infty }c_{V}=3Nk_{B}}

Cependant, à basse température, ce modèle concorde moins avec les mesures expérimentales que celui de Debye :

Lorsque T 0  :  c V 3 N k B ( Θ E T ) 2 e Θ E / T 0 {\displaystyle T\rightarrow 0{\text{ : }}c_{V}\propto 3Nk_{B}\left({\frac {\Theta _{E}}{T}}\right)^{2}e^{-\Theta _{E}/T}\rightarrow 0}

Cette discordance avec l’expérience peut s’expliquer en abandonnant l’hypothèse selon laquelle les oscillateurs harmoniques vibrent à la même fréquence.

Voir aussi

Articles connexes

Bibliographie

  • Charles Kittel (trad. Nathalie Bardou, Évelyne Kolb), Physique de l’état solide [« Solid state physics »], [détail des éditions]
  • Bernard Diu, Claudine Guthmann, Danielle Lederer et Bernard Roulet, Éléments de physique statistique, [détail de l’édition]
  • C. Cohen-Tannoudji, B. Diu et F. Laloë, Mécanique quantique [détail de l’édition]

Notes et références

  1. (de) Albert Einstein, « Die Plancksche Theorie der Strahlung und die Theorie der spezifischen Wärme », Annalen der Physik, vol. 22,‎ , p. 180 (lire en ligne)
  2. Cette quantification est due aux conditions aux limites imposées au solide.
  3. On modélise les N atomes qui constituent le solide par 3N oscillateurs harmoniques quantiques à une dimension.
  4. À 0 K, tous les oscillateurs sont dans un même état (n=0). Si tous les états atomes étaient au repos, leur position et leur vitesse seraient bien déterminées ( r = 0 {\displaystyle {\vec {r}}={\vec {0}}} et p = 0 {\displaystyle {\vec {p}}={\vec {0}}} ) ce qui serait en contradiction avec le principe d’incertitude d’Heisenberg.
  5. L’énergie interne est égale au nombre d’oscillateur multipliée par l’énergie d’un seul oscillateur.
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